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TOUS ENTRE-PRENEURS

VISIONNAIRES DU 21eme siècle

PIERRE SIMON  

 

 

Président de Paris-Ile de France Capitale Économique

 

 

Question : Comment Paris- Ile de France peut-elle se doter d’une culture d’innovation?

 

Pierre Simon : Il faut soutenir une véritable culture de l’innovation à l’intérieur de l’entreprise. Développer une nouvelle technologie ne suffit pas. Il faut pouvoir la mettre sur le marché. Mais cette évolution culturelle va prendre du temps et doit impliquer tous les acteurs de l’innovation. Les Anglo-Saxons sont plus ouverts au partage de l’information et des expériences. Ils sont souvent prêts à mutualiser leurs moyens pour gagner parts de marché. La culture française est plus réticente à ces logiques collaboratives. On a pris l’habitude de travailler dans des forteresses, isolé de ses collègues ou isolé de son écosystème de clients et de fournisseurs. Mais les choses évoluent, heureusement !  

 

Il ne s’agit pas d’une crise, mais d’une véritable mutation. Le modèle d’innovation, de création de valeur doit dépasser les blocages culturels pour doter les acteurs français de l’innovation des capacités de transformer leurs organisations pour gagner en réactivité par rapport à des marchés dynamiques et imprédictibles. La posture d’intégrateur des grands groupes peut être mise en doute par la capacité des autres entreprises à les concurrencer. Cette peur des nouveaux entrants peut immobiliser les entreprises dans des stratégies d’isolement qui ne les préparent pas à répondre aux besoins de nos sociétés interconnectées du futur. Les Trente Glorieuses et les choix des secteurs d’innovation comme l’aéronautique, le nucléaire on permit la création des emplois et une croissance certaine. Mais les conditions économiques et géopolitiques ont changé. Les délimitations sectorielles sont devenues poreuses. La gouvernance du processus d’innovation se fait désormais de manière collaborative entre laboratoires, PME, grands groupes, mais aussi consommateurs et territoires, et interdisciplinaire, entre les NTIC, les biotechs…

 

Question: Est-ce que le territoire est en mesure de convaincre (à travers des outils et contrats « de risque et bénéfices partagées ») les acteurs du processus de création de valeur et d’innovation qu’il est possible de dépasser les « asymétries » qui semblent les opposer pour créer des opportunités de travail collaboratif favorisant la création des emplois et des profits ? Si oui, comment ?

 

Pierre Simon : La clé de performance des écosystèmes innovants est la capacité des acteurs de l’innovation à collaborer. Par exemple Marne-la-Vallée est un modèle d’innovation urbaine qui propose des solutions Smart City basées sur la compréhension des usages. Les projets d’innovation associent utilisateurs, chercheurs, PME et grands groupes.

 

Les capacités de constituer des équipes pluridisciplinaires et surtout de les faire baigner dans une culture de création de valeur ensemble sont essentielles. Une formation ingénieur avec un master marketing peut démultiplier les chances des jeunes générations à intégrer cette culture d’innovation qui fait qu’aux États-Unis Apple a pu se développer non pas grâce à des innovations technologiques, mais surtout des innovations d’usages, des services. Par exemple, à Saclay, le Master HEC- Entrepreneuriat réussit à générer des équipes d’étudiants issues de différentes universités. Des chercheurs, des praticiens du marketing financier arrivent ainsi à se comprendre ce qui crée les conditions pour un travail collaboratif à la fin du Master sur des sujets concrets.

 

Il y a aussi une grande asymétrie culturelle entre les porteurs de projets innovants, les chercheurs et les financiers. En ce sens, Paris-Ile de France Capitale Économique et McKinsey ont réalisé un guide à l’attention des porteurs des projets innovants. Il leur donne les clés essentielles pour valoriser leur projet auprès des investisseurs. Il y a aussi les blocages internes liés aux pratiques héritées du fordisme. Dans le cas de Neslé, Nespresso n’était pas une priorité du groupe. Et pourtant c’est un cas aujourd’hui donné comme exemple d’innovation d’usage, de marketing.  Bill Gates s’est lui-même confronté chez IBM au manque d’intérêt du groupe. Mais une culture anglo-saxonne orientée sur la commercialisation des projets lui a permis de racheter ses activités et de développer Microsoft.

 

Question : Comment le modèle français d’innovation et création de valeur peut-il évoluer pour réussir à innover plus avec moins grâce à des processus collaboratifs multisectoriels et une co-gouvernance entre toutes les parties prenantes y compris le territoire? Comment envisager ainsi la collaboration des acteurs de l’innovation des différents secteurs ou départements?

 

Pierre Simon : Les pôles de compétitivité organisent des écosystèmes innovants en mettant en commun la recherche, le monde académique et les PME et grands groupes. Ils génèrent des pépinières d’entrepreneurs innovants.  Ils ont une dimension territoriale. Dans le cas du Grand Paris, l’organisation historiquement imposée par des cercles concentriques doit évoluer vers des territoires qui auront chacun une vocation propre. Par exemple, Paris Saclay a vocation à accueillir l’innovation relative aux systèmes complexes, aux nanotechnologies, avec 17 écoles et des structures innovantes clés comme le CEA, l’ONERA, EDF, THALES, ainsi que le pôle de compétitivité SYSTEMATIC. À l’est de Paris – dans la Cité Descartes il y un fort intérêt pour les nouvelles technologies appliquées à la gestion urbaine, les Smart Cities.

 

Un modèle dans ce sens pourrait être l’approche des pouvoirs publics à New York qui vise à valoriser l’« open data » et ses usages potentiels. C’est un programme qui permet de stimuler l’innovation des entrepreneurs new yorkais par un accès gratuit aux données. Des services et produits nouveaux viennent ainsi répondre à des besoins.

Les pouvoirs publics sont un acteur majeur de l’innovation du XXIe siècle. Leur rôle ce n’est pas de se substituer aux entrepreneurs pour innover, mais de créer des conditions pour favoriser l’innovation.

 

Question: Quel est le rôle des pouvoirs publics? Comment peuvent-ils favoriser l’innovation?

 

Pierre Simon : L’attractivité du territoire contribue à inciter les investisseurs, chercheurs à s’implanter chez nous. Bien sûr l’immobilier, le transport, l’environnement font partie des aménités qui rendent le territoire plus attractif pour ces acteurs de l’innovation de demain qu’on veut attirer de l’étranger. Mais surtout, c’est la « marque » Paris qui soutient les produits et services développés sur le territoire dans le monde entier. La responsabilité des pouvoirs publics réside dans cette capacité à créer les conditions pour que le dialogue des acteurs de l’innovation puisse développer un travail collaboratif à travers des approches transversales, interdisciplinaires.

 

Question : Pourquoi l’innovation est-elle un facteur d’attractivité pour une métropole mondiale? Pendant longtemps on a opposé les approches Tech Push aux approches Market Pull. Comment envisager l’innovation en partant des besoins du grand public à travers une « Hybridation Market Pull Tech Push » ? Les producteurs et les innovateurs devraient-ils à votre avis mobiliser davantage les outils de compréhension de la demande nationale et internationale révélant les besoins de notre société. Comment envisager des outils de « réduction ou compensation de ces asymétries » (Springer Encyclopedia) comme les « Contrats à risques et bénéficies partagés » entre les parties prenantes, les outils de compréhension et expression des besoins (DRL - Demand Readiness Level, Springer, 2013)?

 

Pierre Simon : Paris-Ile de France Capitale Économique est l’Association des grandes entreprises pour l’attractivité de Paris Ile-de-France. Elle a été créée il y a plus de vingt ans par la CCI de Paris et rassemble aujourd’hui une centaine de grandes entreprises françaises et internationales, garantes de son indépendance. L’Association encourage les entreprises franciliennes à intégrer l’innovation dans leurs stratégies. Il s’agit de faciliter le développement des produits et services innovants qui trouvent leurs marchés en France ou à l’international. En effet, la force d’une métropole réside dans sa diversité et sa créativité.

 

L’innovation ne se résume plus à l’innovation technologique, industrielle, mais se décline dans tous les domaines capables à mobiliser des capacités créatives et les transformer dans des produits et services innovants comme par exemple le design, le traitement de l’image et des données, les objets connectés, les usages, les textiles nouvelle génération et même les stratégies de marketing.

 

Du fait de mes responsabilités professionnelles, j’ai pu être témoin des impacts des technologies innovantes sur des secteurs financiers et l’importance de comprendre l’innovation dans toutes ses formes : produits, services, usages. D’ailleurs, les services informatiques sont toujours au cœur des innovations dans tous les domaines par la dimension d’usage et traitement de l’information.

 

Lire l'interview dans le livre: 

"Tous Entre-preneurs ! La croissante du 21eme siècle a l'heure entrepreneuriale". Editions L’Harmattan, Dr. Florin Paun, 2014

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