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TOUS ENTRE-PRENEURS

VISIONNAIRES DU 21eme siècle

NICOLAS HAZARD 

 

Président, Le Comptoir de l’Innovation

Vice-Président, Groupe - SOS

 

 

Question: Est-ce que la crise multiforme de nos sociétés a généré une l’évolution du modèle d’innovation et dans quelle mesure votre travail relève de ce génome d’un nouveau modèle d’innovation reposant sur « l’hybridation du Market Pull et Tech Push » (Springer Encyclopedia, 2013)? 

 

Nicolas Hazard : La crise a profondément transformé le modèle d’innovation français. On a en effet assisté ces dernières années à l’essor des nouvelles technologies et à l’émergence du secteur de la haute technologie (« high tech »). Ce secteur a sa propre organisation, il est caractérisé par une grande rapidité dans les changements, nécessitant la mise en place de nouvelles méthodes de management et de financement. Il est extrêmement difficile pour les entreprises de suivre le rythme imposé par ce secteur, d’ou le fossé de plus en plus profond entre les territoires performants et les autres, trop isolés. Il ne suffit plus d’avoir des technologies innovantes à mettre sur le marché pour prospérer, il faut bénéficier d’un contexte extérieur favorable.

 

Face à ce problème de l’isolement, qui empêche les entreprises de suivre le cours du marché de l’innovation, la solution est de se rapprocher, de travailler ensemble. C’est pourquoi les grands groupes, les PME (TPE) et les territoires choisissent de mettre en commun leurs savoir-faire et leurs moyens. La concentration des moyens financiers et du capital humain que cela entraine est ce qui leur permet d’être partie prenante du marché de l’innovation.

 

Le Groupe SOS applique à son échelle cette logique de mise en commun des compétences et domaines d’expertise. Il est en effet présent dans cinq grands domaines sociaux (la santé, l’emploi, les séniors, les jeunes et les solidarités) et développe ainsi une approche holistique de l’ensemble des problèmes sociaux liés à ces thématiques. Dans ce cadre, des solutions innovantes sont trouvées par le croisement des perspectives et des approches. L’exemple des logements intergénérationnels, qui permettent de faire cohabiter des jeunes avec des séniors, répond à la fois à une problématique de précarité de logement pour les jeunes et d’isolement des personnes âgées non dépendantes. L’entreprise innovante de demain doit sans nul doute se positionner sur la multiplicité des approches afin de proposer des réponses englobantes à de problèmes isolés.

 

Cette approche holistique se complète par une logique d’action basée sur l’hybridation des moyens et des techniques. Les mêmes moyens technologiques, qui transforment tous les secteurs de l’économie à l’heure actuelle, représentent de formidables leviers de développement pour l’innovation sociale. Depuis sa création en 2010, le Comptoir de l’Innovation a intégré cette perspective et a développé des initiatives liant innovations sociales et technologiques, basées à la fois sur des logiques de Tech Push et de Market Pull. En effet, nous considérons que l’innovation est ce qui permet au secteur de l’entrepreneuriat social d’atteindre ses objectifs d’impact social et de rentabilité financière.

 

C’est pourquoi nous travaillons avec nos clients et partenaires à trouver les solutions innovantes qui répondront au mieux à leurs enjeux, en respectant l’équilibre innovation technologique / besoins du marché. Grace à ses différentes structures, comme son fonds d’investissement et ses programmes d’incubation, le CDI soutien des initiatives technologiquement innovantes à fort impact social, notamment au travers du Social Good Lab, le seul incubateur social-tech en France. Cet incubateur répond à des problématiques sociales concrètes (donc à une logique Market Pull) tout en proposant des solutions originales, car l’optique de recherche adoptée est résolument technologique (Tech Push).

 

Changeons maintenant d’échelle : les territoires ne sont pas les seuls à subir les logiques d’isolement. Les individus sont plus que jamais soumis à des logiques discriminantes, voire parfois exclus des flux économiques ou soumis à l’isolement géographique. Les inégalités se creusent de plus en plus entre les personnes au sein d’une même société, et les individus regroupent souvent plusieurs problèmes qui sont interdépendants. Pour pallier aux déséquilibres du marché de l’emploi en particulier, le Groupe SOS a développé des structures d’entreprises d’insertion, qui permettent à des chômeurs de longue durée de réintégrer le marché du travail. Mais la prise en charge ne s’arrête pas là, car en accord avec l’optique holistique du groupe, nous considérons l’exclusion n’est jamais dûe à un seul facteur. Le groupe SOS a donc créé une structure innovante en considérant leurs problèmes dans leur ensemble afin de reconnecter l’individu à tous les maillons manquants qui l’aident à s’intégrer dans la société.

 

Question : Comment dépasser les « asymétries » des acteurs de l’innovation et créer des conditions pour un travail collaboratif favorisant l’innovation ?

 

Nicolas Hazard : Les « asymétries » dans le processus de l’innovation sont de plusieurs ordres selon Paun (Springer Encyclopedia) : l’asymétrie du risque financier, l’asymétrie de culture entre l’entrepreneur et le chercheur, l’asymétrie technologique, etc. Dépasser ces asymétries est essentiel afin de créer un contexte favorable à l’innovation dans toutes ses formes et de réunir tous les acteurs pouvant y contribuer.

 

Trop souvent on a tendance à réduire l’innovation à sa forme technologique, alors qu’il existe des innovations produit, processus, marketing, d’usage, organisationnelles ou encore des innovations sociales. Pour que les acteurs du processus de l’innovation travaillent efficacement ensemble, il est essentiel qu’ils se comprennent et puissent identifier les potentielles collaborations et synergies entre les types d’innovation. Montrer les liens possibles entre les innovations permet de favoriser le processus de création de valeur. C’est ce que nous avons fait au Comptoir de l’Innovation, à travers notre incubateur, le Social Good Lab.

 

Nous avons souhaité que deux mondes de l’innovation, qui s’ignorent souvent, se rencontrer et collaborent. Cet incubateur est en effet à destination d’entreprises sociales technologiquement innovantes. Nous accompagnons à travers une offre d’hébergement, support stratégique et financement, des entreprises  utilisant des technologies innovantes au service d’une problématique sociale ou environnementale. En associant Innovation sociale et Innovation technologique, cet incubateur favorise l’émergence de services innovants issus de nouvelles technologies et ayant une portée sociale et environnementale. On constate alors à quel point la rencontre de ces deux types d’innovation pousse le processus de création dans le bon sens. Le numérique, la domotique ou encore la robotique sont des domaines tout à fait pertinents pour répondre à des enjeux sociaux tels que la dépendance des personnes âgées, des populations en situation de handicap ou l’accessibilité à tous de l’information.

 

L’un des intérêts du Social Good Lab est donc de faire découvrir au milieu technologique l’étendue de ses applications dans le domaine social. En démontrant toutes les applications sociales possibles, nombre d’entreprises pourraient tourner leurs innovations vers les personnes souffrant d’exclusion. Le but de cet incubateur est ainsi de favoriser l’ »hybridation » avec les grands groupes aussi. Créer des passerelles par le langage de la preuve pourrait faire que les grandes entreprises s’inspirent du modèle social pour développer de nouveaux produits et se tourner vers un nouveau marché. Par ailleurs, il nous semble essentiel de créer des opportunités de collaboration entre les acteurs structurants de l’innovation.

 

Cela passe par de la co-construction, par la création de lieux de rencontrer, par la mise en avant de projets collaboratifs. À nouveau, c’est sur ce principe que nous avons développé le Social Good Lab. Il s’agit en effet d’un projet réunissant deux partenaires : Paris Incubateurs, une des activités du Laboratoire Paris Région Innovation qui gère 12 incubateurs technologiques et le Comptoir de l’Innovation, structure qui accompagne, finance et promeut les entreprises sociales. C’est de ce travail collaboratif que nait le Social Good Lab et de celui-ci qu’il en tire sa force. Paris Incubateurs met à disposition son expertise en matière de développement de technologies innovantes et Le Comptoir de l’Innovation accompagne les entreprises sur leur volet social et environnemental.

 

Question : Quelles formes de gouvernance pour assurer la création d’une valeur partagée (PORTER) surtout dans les périodes de crise ? Comment le modèle français d’innovation évolue vers une co-gouvernance avec toutes les parties prenantes de la société : grands groupes, territoires, PME, consommateurs – citoyens ? Pensez-vous que ces évolutions sont en train de dévoiler le génome de l’entreprise innovante et responsable de demain ? Quel modèle d’innovation pour le XXIe siècle ? Est-ce qu’on fait de l’innovation comme il y a 10 ans ? Comment se préparer pour cette transition en cours vers de nouveaux modèles d’innovation et prendre part dans la croissance de demain ? Comment envisager des outils de « réduction ou compensation de ses asymétries » (Springer Encyclopedia) comme les « Contrats à risque et bénéficies partagées » entre les parties prenantes, les outils de compréhension et expression des besoins (DRL - Demand Readiness Level, Springer, 2013)?

 

Nicolas Hazard : Lors de la crise financière de 2008, la question de la gouvernance a été soulevée à de nombreuses reprises : le débat portait alors sur davantage de régulation des organismes financiers et de la création d’un système de gouvernance étatique ou régional. La gouvernance des entreprises a également été questionnée par la suite : de nouveaux modèles ont été proposés ou remis au gout du jour, par exemple la gouvernance participative qui permet à toutes les parties prenantes de l’entreprise d’être impliqués dans le processus. L’implication de tous les membres de l’entreprise dans la prise de décision à différentes échelles permet de responsabiliser les individus et de leur faire prendre conscience de leur impact professionnel, mais aussi social. Le concept de « shared value » de Michael Porter se base d’ailleurs sur ce constat et encourage par conséquent l’échange de bonnes pratiques à l’intérieur de l’entreprise.

 

Les valeurs du Groupe SOS se retrouvent dons au sein même de son organisation puisque le groupe ne possède pas d’actionnaires et peut ainsi directement réinvestir le profit et mettre au service du développement de ses structures. La valeur partagée est ici clairement illustrée, puisque la valeur créée par une des structures du groupe peut être directement réinvestie et utilisée par une autre structure. La logique de l’efficience économique est donc combinée au respect de l’intérêt général.

 

Les attentes de la société en termes de gouvernance sont donc de plus en plus élevées, et les entreprises doivent trouver des moyens d’être toujours plus exigeantes envers elles-mêmes afin de satisfaire ces attentes Le groupe SOS a pleinement conscience de ce défi et a par conséquent intégré une logique d’intrapreneuriat, afin de prendre des orientations novatrices et de faire entrer l’innovation au sein même de sa structure

 

Le but et de créer des structures innovantes qui répondent à des besoins identifiées de manière empirique par les différentes structures u groupe et quine sont pas satisfaits. La meilleure manière d’identifier ces besoins étant la présence physique sur le terrain et une logique transversale de croisement de approches, qui favorisent l’innovation. Le Comptoir de l’innovation a d’ailleurs été créé au sein du groupe SOS  dans cette optique. Les processus d’incubation mis en place par cette structure proposent un accompagnement adapté à des entrepreneurs sociaux qui leur permet de s’attaquer à leurs faiblesses structurelles spécifiques. Ces programmes permettent donc de répondre à une demande du marché pour laquelle il n’ay a pas de réponse adaptée : une autre illustration en est l’incubateur Le Comptoir, tourné vers la reprise d’activités en région parisienne par de jeunes entrepreneurs. Ce projet permet de manière large de s’attaquer au problème de disparition des activités économiques donc de l’emploi, en ciblant une demande particulière de passation d’entreprise.

 

Question : Comment envisager l’innovation en partant des besoins du grand public à travers une « Hybridation Market Pull Tech Push » ? Les producteurs et les innovateurs devraient-ils à votre avis mobiliser davantage les outils de compréhension de la demande nationale et internationale révélant les besoins de notre société ? Quel souvenir agréable avez-vous de ce début de l’Âge de l’Entrepreneuriat qui relève de cette évolution de modèles économiques et d’innovation reposant sur les enjeux de partage des risques et des bénéficies ?

 

Nicolas Hazard : Au comptoir de l’Innovation, une de nos missions, en plus de financer et d’accompagner l’entreprenariat social, est de promouvoir les initiatives innovantes et exemplaires de ce secteur. Nous organisons un cycle d’évènements internationaux à destination des chefs d’entreprises, des décideurs publics et des institutions financières afin de promouvoir l’entrepreneuriat social : Impact.

 

Dans ce cadre, nous avons mis en avant en 2013 une innovation qui m’a tout particulièrement plus, c’est celle d’un jeune ingénieur, Ladilas de Toldi. Il a créé Leka Smart Toys, une entreprise qui développe des jouets robotisés pour enfants autistes Il s’agit d’une sphère interactive, robotisée et attentive à son environnement, qui se déplace de manière autonome Moti le non de ce petit robot, apporte aux parents et aux centres spécialisés un smart toy pédagogique, tactile ludique et adaptatif développé spécialement ,pour les enfants atteints d’autisme. C’est un exemple typique d’hybridation entre le Technology Push et Market Pull : il y a un réel besoin d’une meilleure prise en charge des enfants autistes, de création d’outils adaptées à leurs besoins et leur permettant de s’éveiller à leur rythme. Pour développer un outil innovant, mais adapté à ces besoins, Ladislas s’est entouré de spécialistes de l’autisme et est parti des besoins sociaux. Mais il a aussi poussé la technologie plus loin, et amélioré constamment son jouet en se basant sur les progrès en matière de robotique.

 

Question : Serait-ce alors une nouvelle génération ou société des entrepreneurs du XXIe siècle qui pourraient inspirer les modèles d’innovation et de création de valeur partagée ?

 

Nicolas Hazard : La gouvernance de la croissance doit passer par une collaboration entre tous les acteurs économiques, qu’il soit publics ou privés, et ce afin de lier croissance et développement et d’innover pour créer des sociétés inclusives. Lutter contre la pauvreté et contre toute forme d’exclusion est une donnée primordiale afin d’atteindre un idéal de société qui fasse rimer croissance et développent harmonieux au XXIème siècle. Pour tendre vers cet objectif, il est indispensable que chaque individu puisse trouver sa place au sein d’une société qui donne les mêmes chances à tous. Pour cela, il est aujourd’hui nécessaire d’inventer des solutions innovantes qui viennent compléter les dispositifs étatiques existants. Il ne s’agit pas de substituer un système par un autre, mais plutôt de mobiliser tous les acteurs de la société, le monde de l’entreprise en tète ; que ce soient les grandes entreprises, structurellement porteuses d’innovation, ou les entrepreneurs en quête de sens. L’entreprenariat social permet à ces acteurs privés, en collaboration avec les pouvoirs publics et la société civile, de construire des entreprises qui répondent aux besoins sociaux les plus prégnants.

 

Le Groupe SOS est l’exemple parfait d’un social business qui marche. C’est aujourd’hui une des entreprises leaders du secteur européen de l’entrepreneuriat social. Le Groupe SOS met l’efficacité économique au service de l’intérêt général. Construit sur des activités de lute contre les exclusions, il a sur se diversifier progressivement et développe aujourd’hui des dispositifs d’excellence innovants pour tous, y compris les plus démunis. Il répond ainsi aux besoins fondamentaux de la société à travers ses 5 grands cœurs du métier : la jeunesse, l’emploi, les solidarités, la santé, les séniors. Établi en 1984, il compte aujourd’hui 11 00 salariés, 330 établissements dans toute la France et ses DOM TOM, génère un chiffre d’affaires de 650M euros et accompagne un million de bénéficiaires chaque année.

Lire l'interview dans le livre: 

"Tous Entre-preneurs ! La croissante du 21eme siècle a l'heure entrepreneuriale". Editions L’Harmattan, Dr. Florin Paun, 2014

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