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OPEN INNOVATION 

SKY IS NO LONGER A LIMIT

VISIONNAIRES DU 21eme siècle

FABRICE PESIN  

Médiateur national du crédit et Président de l’Observatoire du financement des entreprises

Fabrice PESIN a acquis en seulement quelques années la reconnaissance des acteurs du monde de l’entreprise et des médias pour son partage d’analyses pertinentes et uniques sur le financement de l’économie. A travers les travaux de l’Observatoire du financement des entreprises qu’il préside, il souligne les difficultés que peuvent rencontrer les entreprises et propose des solutions et outils concrets permettant un financement efficace de l’innovation comme levier de croissance.

(Interview lors du Salon Aéronautique du Bourget, juin 2017)

 

Interview Francophone : Dans votre rapport sur le financement des PME et ETI en croissance, vous avez analysé l’influence des facteurs financiers dans leur dynamique de développement, notamment la performance des entreprises au regard de leurs stratégies de financement ; c’est une approche innovante pour comprendre les problèmes dont souffre le tissu économique français : trop peu d’entreprises exportatrices, investissements peu orientés vers l’innovation, déficit d’ETI... Peut-on espérer une France leader dans le financement de  l’innovation ?

 

FABRICE PESIN: La France est en train de changer. Pour citer un exemple récent, les entrepreneurs présents au salon mondial des start-up, Viva Tech, ont en effet permis de montrer une France QUI BOUGE ! Les mentalités changent pour soutenir l’innovation. Il faut aussi que les acteurs du financement puissent évoluer et accepter le risque inhérent aux nouvelles formes d’innovation tout en sachant l’analyser et le maîtriser. Par exemple, il me semble possible de réduire ce risque en ayant une approche par filière, sur toute la chaine de valeur, avec une plus grande collaboration entre donneurs d’ordres et sous-traitants. Encourager l’innovation collaborative entre acteurs de filières peut conduire à l’adoption des mêmes standards innovants comme solutions partagées permettant de soutenir la croissance des acteurs sur toute la chaine de valeur et de faciliter ainsi leur financement. Autre exemple intéressant, les collaborations entre ETI et PME d’une part et start-up d’autre part qui permettent aux premières d’intégrer des solutions innovantes et aux deuxièmes d’enrichir leur portefeuille de clients : ce partenariat gagnant-gagnant doit être perçu favorablement par les acteurs du financement.

 

Interview Francophone : Les leaders de l’innovation en France (pour citer seulement le discours du directeur de la technologie d'Airbus Paul Eremenko au Salon aéronautique du Bourget cette année) soulignent l’importance de la VITESSE et de l’OUVERTURE D’ESPRIT. Comment peut évoluer la finance pour répondre à ces enjeux d’accélération de l’innovation ?

FABRICE PESIN: La finance doit se mettre au service d’entreprises toujours plus innovantes, capables de se transformer radicalement pour intégrer big data, intelligence artificielle, réalité augmentée et objets connectés dans leurs processus productifs. Il faut envisager le financement de ses transformations profondes sur toute la chaine de valeur qui imposent de repenser l’organisation de la production et des méthodes de ventes, avec un risque associé que les acteurs du financement doivent apprendre à bien évaluer. Il y a un fort besoin d’expertise, notamment technologique mais aussi organisationnelle, pour analyser ces opportunités de croissance avant de décider de les financer. Ces innovations reposent en outre souvent sur de l’investissement immatériel qui, par nature, n’offre pas facilement de garantie aux prêteurs. Toutes les parties – banques, fonds d’investissement, et experts-comptables – doivent travailler ensemble pour une meilleure prise en compte et valorisation de l’investissement immatériel des entreprises à fort potentiel de croissance.

 

Interview Francophone : Quel serait l’un des défis majeurs du 21e siècle en termes de financement de la croissance ?

FABRICE PESIN: La capacité de basculer intellectuellement dans une nouvelle ère de l’immatériel. Aujourd'hui nous sommes encore dans une culture du tangible et des actifs corporels. L’approche anglo-saxonne a su évoluer pour intégrer également les actifs immatériels, c’est à dire la marque, l’image, la réputation, les algorithmes… La croissance de Google, Amazon, Facebook a ainsi bénéficié d’une pleine valorisation de leurs actifs immatériels. Le vrai défi des dix prochaines années réside dans la capacité à mieux valoriser des dépenses immatérielles capables d’accélérer l’innovation et la croissance.

Il y a de la richesse dans l’immatériel. Les investissements des entreprises au 21e siècle seront principalement immatériels. Et la France, notamment grâce à ses excellentes filières de formation en mathématiques et en statistiques, a une carte à jouer par exemple dans le big data et les algorithmes. Algorithmes qui seront à l’origine des futures PME et ETI à forte croissance.

Il faut une prise de conscience de toutes les parties prenantes pour trouver des solutions quant au renforcement des fonds propres des start-up, et la mise en place de nouveaux processus d’évaluation des entreprises. Par exemple, les entreprises ayant effectué leur transformation numérique pourraient être mieux valorisées grâce aux perspectives de croissance ouvertes par ces changements profonds d’organisation et production.

 

Interview Francophone : Comment donner un véritable sens citoyen, reconnaitre la valeur sociétale de la prise de risque pour financer l’accélération des innovations et l’importance de l’open innovation ? Parmi les projets rencontrés quel projet innovant vous a le plus impressionné par son impact sociétal positif ?

FABRICE PESIN: Dans le contexte actuel de concurrence internationale où la vitesse d’innovation et l’open innovation sont des facteurs clés de la croissance, la prise de risque est essentielle. La maîtrise de ces nouveaux risques peut devenir un atout de la Place de Paris au niveau international pour inventer une finance du 21e siècle qui permet une responsabilisation de tout l’écosystème dans la création de valeur partagée.

Dans les banques, il faut aussi innover et comprendre des besoins évolutifs des clients. Le métier même de la banque change aussi grâce aux innovations venues des fintech qui donnent un nouveau souffle et de nouvelles perspectives. On voit, par exemple, grâce à une start-up, des services bancaires innovants désormais proposés dans des bureaux de tabacs… dont le monopole de distribution de tabac remonte à l'époque de Louis XIV !

Le but est d’être plus proche de la société et de mieux répondre à ses besoins. Les solutions de crowdfunding sont un exemple d’innovation en cohérence avec les nouvelles attentes de la société, à partir de plateformes qui permettent de « donner du sens » à son épargne. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de faire bouger les lignes et d’encourager cette innovation dans les approches et solutions de financement de la croissance.

Interview Francophone :  Quelles sont les caractéristiques des PME et ETI en croissance en termes de financement ?

FABRICE PESIN: Les PME et ETI qui « surperforment » en termes de croissance présentent des besoins de financement spécifiques. Avant de connaitre leur période de forte croissance, ces entreprises lèvent davantage de dette à moyen terme pour financer leurs investissements. Le plus fort endettement de ces entreprises est rendu possible par des taux de marges plus élevés, qui accroit leur capacité́ à s’endetter, mais ces entreprises utilisent aussi davantage que les autres leur capacité́ d’endettement. L’Observatoire a pu constater inversement que le financement par la dette de l’investissement et des besoins de fonds de roulement ressortait comme un facteur de croissance.

Les PME et ETI en croissance ouvrent plus fréquemment et de manière plus prononcée leur capital. En effet, les financements par la dette se traduisent par une augmentation significative de la taille du bilan de ces entreprises, qui à son tour entraine un besoin accru de fonds propres. Pour ne pas déséquilibrer leur structure financière, ces entreprises ont besoin d’ouvrir de façon plus fréquente et/ou plus prononcée leur capital.

Les PME et ETI en croissance sont les entreprises qui utilisent pleinement les différents leviers de financement.

 

Interview Francophone : Comment certains choix de financement peuvent-ils augmenter le potentiel de croissance des PME et ETI ? L’écosystème de financement français est-il parfaitement adapté au financement de la croissance des PME et ETI innovantes ?

FABRICE PESIN : Si les entreprises en croissance augmentent plus souvent leur capital, leurs actionnaires peuvent néanmoins dans certains cas être réticents à ouvrir le capital des entreprises qu’ils possèdent. C’est particulièrement vrai dans le cas des entreprises familiales, où le maintien du contrôle de l’entreprise est souvent perçu comme essentiel. Néanmoins, des solutions de financement peuvent être mises en place tout en prenant en compte les contraintes que s’imposent les actionnaires familiaux. Il est important d’intégrer dans les réflexions sur le financement des PME et ETI les spécificités des entreprises familiales.

L’offre de capital à la disposition des entreprises en croissance semble globalement satisfaisante, le capital-investissement français étant bien développé par rapport à̀ celui de ses voisins. Le capital-innovation privé est quand à lui encore dépendant du soutien public, Bpifrance joue dans ce secteur un rôle majeur. Toutefois, il faut souligner l’insuffisance du nombre de fonds de capital-innovation de taille significative, qui sont à même d’offrir des tickets importants d’investissement.

Les ETI en croissance peuvent depuis peu recourir au placement privé. Ce dernier leur offre, sans qu’elles aient besoin d’être notées ou cotées, la possibilité́ d’un financement long à partir de montants relativement faibles (à partir de 10 M€). Ce marché connait un essor important depuis son démarrage en 2012. L’Euro PP peut devenir un mode de financement particulièrement adapté aux entreprises en croissance en proposant des financements aux maturités plus longues que le financement bancaire, avec un remboursement le plus souvent in fine (ce qui libère des cash-flows à court terme par rapport à̀ une dette amortissable) et souvent sans prise de garanties (ce qui est utile aux entreprises réalisant un investissement immatériel).

Il apparaît aussi que les PME et ETI en croissance sont les plus offensives à l’exportation et réalisent au total une plus grande partie de leur chiffre d’affaires à l’étranger. Pour autant, les PME et ETI en croissance qui disposent de moins de liquidités exportent moins : une importante capacité à autofinancer ses démarches d’exportation semble être un atout dans l’ouverture aux marches étrangers. Le financement apparaît déterminant pour la croissance à l’international. Il me semble important de prolonger les études afin de préciser les besoins spécifiques de financement des PME et ETI qui désirent se développer à l’international. 

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